Mar 182019
 

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COMPRENDRE LA PÉRIODE A TRAVERS LA MUSIQUE, LES LIVRES, LE CINEMA

Tandis que les Brigades rouges et les groupuscules néo-fascistes sèment la terreur et la mort, les musiciens italiens se font l’écho, entre chanson romantique, rock, funk ou disco, des interrogations d’un peuple

L’explosion, le 12 décembre 1969, d’une bombe Piazza di Fontana à Milan inaugure en Italie ce que les historiens qualifieront plus tard d’années de plomb, une décennie mortifère où le terrorisme d’extrême gauche (et notamment celui des Brigades rouges, fondées en 1970) répond à celui de l’extrême droite avec parfois, les complicités nauséabondes de services secrets italiens, voire de la CIA.

Face à ce déchaînement de violences (enlèvements, assassinats, attentats à la bombe…) qui fera près de 500 morts en 18 ans, et dans un contexte sociale très tendu (nombreux mouvements de grèves, occupations d’usine) la culture connait une très forte politisation. Le cinéma multiplie les films sur le terrorisme et les musiciens expriment les doutes d’une société. Cantautori (auteurs compositeurs de chansons à texte), rockers (l’Italie est une terre d’élection du rock progressif) ou autres, la plupart des musiciens italiens prend position, parfois de manière surprenante comme en 1976, lorsqu’Adriano Celentano dénonce la flambée des prix de l’essence et appelle à la dévaluation de la lire !

 

« L’Italie des années de plomb » : le terrorisme entre histoire et mémoire/ Sous la direction de Marc Lazar et Marie-Anne Matard-Bonucci

Description

Des années 1960 aux années 1980, l’Italie fut le théâtre d’une violence politique de nature exceptionnelle par son intensité et sa durée. Attentats à la bombe perpétrés par l’extrême droite. Enlèvements, « jambisations », assassinats revendiqués par des formations armées d’extrême gauche, telles que les Brigades rouges ou Prima Linea. Manifestations violentes et répression policière. Aujourd’hui encore, cette période de l’histoire italienne, dite des « années de plomb », conserve un caractère traumatique, suscitant d’incessants conflits mémoriels. Des procès sont toujours en cours tandis que certains faits sont restés impunis. Le caractère encore brûlant de ce passé n’a pas empêché sa constitution en objet d’histoire.

Réunissant les meilleurs spécialistes français et italiens, historiens, politistes, sociologues et juristes, ainsi que des témoins italiens, cet ouvrage privilégie quatre angles d’analyse : saisir les raisons et les usages de la violence ; penser et conceptualiser les années de plomb ; étudier les représentations de cette époque ; et, enfin, esquisser une comparaison entre les perceptions française et italienne des années de plomb qui se sont affrontées autour de tant de malentendus et de polémiques liés à la fameuse « doctrine Mitterrand ».
Un ouvrage qui constitue une pierre d’importance pour le vaste chantier historiographique et mémoriel de l’Italie des années de plomb. – 4° de couverture –

« Années de rêves et de plomb »
Des grèves à la lutte armée en Italie (1968-1980) par Alessandro Stella

 

 

 

 

 

 

 

Cinéma et enseignement

Enseigner l’histoire des « Années de plomb » italiennes par le cinéma de fiction

Gino Nocera et Jean-François Wagniart

Résumé

Faisant écho dans ce dossier aux propos de Fassbinder, les auteurs de l’article rappellent ceux du réalisateur italien Elio Petri : « On ne peut que lancer des bobines à la tête des gens, mais les lancer comme des pavés ». Même période, même révolte, plus marginale encore dans la société italienne, de quelques cinéastes. Là aussi la dénonciation de l’oppression subie par les classes populaires dans une Italie en proie au « miracle économique » s’associe à celle de l’oubli du passé fasciste. Ces cinéastes s’efforcèrent aussi de dévoiler les mécanismes de la violence terroriste qui frappa l’Italie lors des « Années de plomb », montrant un état gangrené par les milieux d’extrême droite, par la corruption et une société sans horizon politique alternatif. Travail salutaire, mais le bilan est au final assez amer face au spectacle d’une société toujours malade de ses vieux démons.

Que pèsent les efforts de Francesco Rosi ou de Marco Bellochio, contempteurs scrupuleux de la réalité italienne, face à la volonté d’oubli et de refoulement ? Pourtant, leur questionnement peut fournir des sources pour mieux faire comprendre aux jeunes élèves la complexité des phénomènes de violences politiques, caractéristiques de ces années, et est indispensable à la compréhension des fonctionnements politiques et de leurs limites après les échecs des révoltes de la fin des années 1960.

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, toute une série de films comme La classe operaia va in paradiso (La classe ouvrière va au paradis) d’Elio Petri (1971) s’attaque à l’abus de pouvoir et à l’oppression économique de la classe ouvrière. Lulu Massa (Gian Maria Volonte) travaille aux pièces et perd un doigt. Il découvre la solidarité de ses camarades qui déclenchent une grève. Dès lors, il devient un révolté et se rapproche des militants d’extrême gauche (essentiellement des étudiants) qui critiquent violemment les méthodes légalistes des syndicats. Licencié, il sera finalement réintégré. Pour lui, l’enfer du travail à la chaîne continue : il n’y a pas de paradis pour la classe ouvrière !


Dans l’Italie des années 1970, un film politique, pour être efficace, doit garder les attraits du spectacle s’adressant au plus grand nombre et inscrire la contestation dans un univers ancré dans la réalité sociale.
Cinq ans plus tard, avec Todo Modo, Petri ira encore plus loin dans la critique radicale de la société italienne, créant un univers de pure fiction afin de donner plus de poids à son attaque contre la Démocratie hrétienne et son alliée incontournable, l’Église catholique au pouvoir depuis des décennies.

Pour beaucoup de représentants du jeune cinéma italien (à commencer par Paolo et Vittorio Taviani, Bernardo Bertolucci, Marco Bellocchio), il faut renouer avec un art plus directement engagé, plus descriptif de la réalité que l’on retrouve également dans la comédie à l’italienne, autour du thème de la contestation sociale (I compagni, Les camarades de Mario Monicelli en 1963).

La mort d’Aldo Moro en 1978 constitue un choc, une rupture sanglante pour toute la société et les cinéastes partagent ces sentiments. La lutte armée de gauche a perdu son romantisme et devient une réalité qui leur apparaît difficilement justifiable. La production cinématographique va alors se concentrer sur des films qui tentent d’analyser l’escalade de la violence et la fuite en avant des terroristes de tous bords.

La dénonciation du pouvoir corrompu par le drame policier

Un travail analogue peut être fait avec le second film traitant de cette thématique – et pour tout dire le seul autre « grand » film du cinéma italien sur ce thème. Il s’agit de Cadaveri eccellenti (Cadavres exquis) de Francesco Rosi sorti en 1976. Dans ce film, l’inspecteur Rogas (Lino Ventura) doit résoudre une enquête portant sur une série de meurtres de magistrats. Son enquête lui fait découvrir l’existence d’un complot en vue d’un coup d’État. Cette découverte l’amène à prendre contact avec le Parti communiste pour y faire barrage. Cette solution échoue puisqu’il est lui-même assassiné en même temps que le secrétaire général du Parti communiste… Là encore, la stratégie de la tension est au cœur du discours de Francesco Rosi qui est un observateur attentif des réalités italiennes. Il sera utile de donner aux élèves quelques informations filmographiques afin de leur faire comprendre que ce cinéma s’inscrit dans une série de films dénonçant les dérives présentes dans la société italienne

 

 

 

 

 

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