Sentiment paradoxal que celui d’arpenter les allées circulaires et étriquées du Château d’Eau tout en inspirant une grande bouffée d’air pur.
Expositions jusqu’au 29 mai, galerie du Château d’Eau
Les paysages de montagne photographiés par Paola De Pietri respirent.
Les paysages grandioses de sa série « To Face » sont d’un esthétisme particulier.
« Sur ces montagnes, où le temps humain s’est arrêté et où seul le rythme de la nature a imprimé sa trace, les paysages qui semblent naturels sont en fait le résultat de batailles livrées et de vies vécues tous les jours pendant des années par des centaines de milliers de soldats » explique la photographe.
Cliché de Paola Pietri
Là une cascade de pierres que l’on croirait façonnée par l’érosion, là des vallons au milieu des pins que l’on pensait dessinés au fil des siècles, ne sont en réalité qu’une terre frappée de bombardements ou creusée de tranchées faites par des soldats de la Première guerre mondiale. Stigmates de l’enfer de la guerre dans une contrée paradisiaque… La brume montagnarde nous enveloppe aussi dans nos pensées. Derrière une nappe, on devine une entrée de grotte ou une cache qui n’a pas hébergé un ours hivernant mais des hommes traqués ou entreposant là leurs munitions, soufflant quelques instants avant de retrouver le fracas des armes.
Les clichés de Paola De Pietri sont beaux mais bruts. Ils nous entraînent dans une flânerie mais font surtout œuvre de mémoire. Ces instantanés de sites qui seront encore là après nous, il a fallu aller les chercher. Et tout en voguant dans notre imaginaire, on envisage aussi le périple que l’artiste a dû effectuer pour se retrouver face (To Face) à ces monuments de pierre. « Afin de se rapprocher d’un grand récit, elle a engagé son corps pendant plusieurs années, en explorant à fond les montagnes. L’histoire, si elle doit être encore perçue parmi les problèmes de notre postmodernité, exige du temps et des efforts » commente Roberta Valtorta, critique et directrice du Musée de Photographie Contemporaine de Milan.
Deuxième étape de notre parcours toulousain, la salle située sous les arches du Pont Neuf à la découverte de Mario Giacomelli.
La salle, immaculée, se prête parfaitement au décryptage du travail de celui qui s’est toujours considéré comme un fabriquant d’image : « Je ne fais pas le photographe, je ne sais pas le faire ». Difficile de décrire les « inventions » de cet artiste désormais mondialement connu. Des compositions à la fois abstraites, lisibles et racontant une histoire.
Cliché de Mario Giacomelli
Empilant plusieurs clichés issus de différentes séries, y ajoutant des perspectives artificiellement mais savamment posées dans le cadre, Giacomelli nous embarque. Prenez vraiment le temps de lire chacune de ses œuvres. Celles qui m’ont le plus marqué : ce paysage marin où l’on voit à la fois l’étendue de mer, envoutante, et ce qui semble être, posés sur une dune du rivage, un homme et un enfant ; et puis cette autre composition campagnarde accolant une ferme perchée sur une colline et une vue aérienne de champs parsemés de sillons.
Comme De Pietri, Giacomelli semble lui aussi vouloir reconstruire ce que l’homme a détruit. La terre qu’il a modelée est celle des Marches où il a grandi et où il a vécu jusqu’à sa mort en 2000.
To Face, Paola Pietri
« Je ne fais pas le photographe, je ne sais pas le faire », Mario Giacomelli